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SONORISTE mon fils.

  • Photo du rédacteur: Caroline Vogel
    Caroline Vogel
  • 27 mai 2007
  • 3 min de lecture

Après les conseils d'André Benedetto aux éclairagistes, ceux, non moins précieux, aux régisseurs son :

Je veux te donner quelques conseils utiles afin que tu fasses bien ton métier, à la satisfaction générale. Je mets tout ça à la suite car il est difficile d'établir une hiérarchie. Je commencerais cependant par une opinion inadmissible par tes futurs confrères. La voici : ce n'est pas le matériel qui fait la qualité, qui fait la différence, quoi qu'on en dise, c'est l'homme. Il faut l'admettre. Rentre dans cette corporation par la compétence, et non par l'apparence. N'endosse pas un uniforme de commando. Il n'y a pas de démonstration de force à faire. Il n'y a rien à conquérir, rien à imposer. Il n'y a qu'à faire ouïr, qu'à faire aimer. Abstiens-toi de bière, de tabac blond et brun, et toute autre dope. Aucun de ces produits ne contribue au génie. L'eau par contre favorise grandement l'inspiration. Tu peux en consommer des quantités. Méfie-toi des modes sur les marques, sur les types de matériels, sur les prises, broches, fiches, câbles et autres connections, sur les gadgets, sur les effets spéciaux. Les modes passent mais les problèmes restent. Et j'en ai vu de très bien résolus avec des matériels démodés par des bonhommes hors d'âge. Méfie-toi du clinquant, du tape à l'œil, du superflu. Ne frime pas. N'essaie pas d'épater la galerie. Fais ton travail avec tes oreilles, ta sensibilité, ta raison, ton intelligence et surtout le respect des autres. Ne cherche pas à avoir raison tout de suite. Le silence pendant le travail est meilleur pour la préparation du son que ses sempiternelles musiques d'autoroute qui envahissent les espaces comme si certains avaient peur de s'entendre penser. Car malgré tout ils pensent. Au fait, y a-t-il besoin d'une telle puissance sonore pour ce travail ? Tu crois ? un peu de marge en plus, oui mais... Selon comment tu disposes les haut-parleurs, le résultat varie. Selon comment tu emploies les micros aussi. Ainsi selon ce que devra faire l'acteur (car j'espère que tu sortiras un peu de ces circuits horriblement académiques du classique, du jazz, du rock, du rap... pour agir dans d'autres secteurs), selon donc ce qu'il devra faire, il parlera dans un micro posé devant lui sur un pied, ou qu'il tiendra à la main avec ou sans fil, ou qu'il portera en HF sur la poitrine, ou encore qui sera suspendu au-dessus de lui, etc. Car en plus de la qualité du son à obtenir, il faut savoir quelle est l'image ainsi donnée qui correspond le mieux à ce qui doit être diffusé. La sonorisation ne réduit jamais l'amplification. Il faut sortir du matraquage pour entrer dans le subtil. Et dans la dialectique. Et s'il se trouve qu'il n'y ait pas besoin de micro, dis-le. Voilà le point le plus délicat. Les micros isolent leur utilisateur. La liaison sociale change beaucoup. Presqu'automatiquement l'utilisateur se trouve branché, au moins dans sa tête, sur le grand réseau mondial de Big Brother. Il plonge dans les gargouillis du gros ventre comme dans une grotte profonde et s'y croit à l'abri le malheureux. Et ceux qui se servent d'un micro comme d'une prothèse, surtout les politique, ce qu'ils disent est-il fiable ? Toi je t'en prie : n'abrutis pas le monde, écoute-le. Et dis-toi bien que ce n'est pas parce que tu manipules le potentiomètre que tu as raison. J'en ai tellement rencontré qui manipulaient ça comme des armes à feu. Et des tapis de bombes. Je joins une feuille pour ton copain qui fait les lumières.

André Benedetto, Ecrits sur la pratique, 10.06.1996

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