Le geste théâtral

Si la main est le prolongement de la pensée, il ne faut pas que le geste encombre ou limite celle-ci.

Tout d'abord, comme toutes les parties de son corps, il est bon que le comédien redécouvre ses mains, qu'il prenne conscience de ce qu'elles dégagent, de ce qu'elles communiquent déjà par leur simple apparence naturelle. Sont-elles charnues ou fines, potelées, douces, caleuses ou nerveuses...?

Pour cela, vous pouvez expérimenter l'exercice "Donne-moi ta main".

Je distingue 5 catégories de gestes :

• Les gestes qui font une "boucle"

J'entends par là les gestes que l'acteur se destine à lui-même : il met la tête dans ses mains, se passe la main sur le visage, se gratte etc.

Sans en abuser - et tant qu'ils ne gênent pas la compréhension du texte - ces gestes peuvent être des moments-ressource où l'acteur se recentre sur lui-même pendant un court instant.

• Les gestes qui font lien

J'inclus dans cette catégorie tous les gestes qui relient le comédien à son ou ses partenaires de jeu ou même au public. Ils sont rarement superflus.

• Les gestes qui sculptent l'espace

J'aime voir l'espace qui entoure l'acteur comme une sorte de glaise invisible, malléable à l'infini, que l'acteur peut sculpter au gré de ses pensées. Il peut y imprimer la trace de ses mouvements, y placer les objets de ses désirs, de ses peurs, des souvenirs... et les faire véritablement exister pour le spectateur.

Si ces trois premières catégories servent le jeu du comédien, les deux suivantes, en revanche, peuvent le parasiter ;

• Les démonstratifs qui dépassent l'espace scénique

On peut avoir tendance à montrer de la main un lieu ou une personne qui se situe hors du champ de l'espace scénique, pour le faire davantage exister. Or, l'acteur emmènera plus facilement le spectateur avec lui si sa pensée n'est pas limitée par un geste.

• les gestes qui appuient le discours

Ajouter le geste à la parole pour tenter de renforcer la force des mots a justement souvent l'effet inverse : le sens se dissout dans cette tentative d'illustration ou d'explication. Ce type de gestes doit donc à mon avis être utilisé avec une grande parcimonie.

Notons encore deux conditions importantes pour qu'un geste ait de la force et du sens : 1/ il doit engager au maximum le corps et non seulement la main ou le bras, 2/ il ne doit pas être répété, une fois utilisé il est usé!

Bien sûr il existe des contre-exemples à tout ce que je viens de dire car à quoi servent les règles sinon à être dépassées!