Propos de Isabelle Launay
- Caroline Vogel
- 11 févr. 2006
- 2 min de lecture
Ere en scène, c’est d’abord trouver un espace d’action dont la puissance, les possibilités vont entrer en tension, en rapport de forces avec ce que l’on appellerait la mise en scène. [...] [La mise en scène] n’a donc de sens qu’à partir de cette physicalité, de cette qualité de présence.
[Pour les premières avant-gardes], la question initiale [...] était [...] de trouver un espace d’action à travers la mise en oeuvre d’un espace corporel singulier. Expérimenter ce que le mouvement produit. La question était celle de la scène imaginaire [...] à partir de laquelle le geste s’inscrit. [...] la corporéité, l’être-corps étaient pensés comme un théâtre en soi. Le geste s’organise à partir du théâtre que notre imaginaire corporel met en branle. Celui-ci étant investi par toute une culture du sensible, elle-même arrimée au langage. [...] la question du théâtre, on devrait, me semble-t-il, la prendre à la racine c’est-à-dire à partir de la façon dont je perçois et dont j’énonce l’espace dans lequel je suis.
Rudolf Laban dans les années 1920 [...] dit que l’espace est fondamentalement mouvement et qu’il ne pénètre dans la conscience qu’avec le mouvement. Autrement dit, l’espace est créé par le geste. [...] La première mise en scène est peut-être là. Comment j’entre en scène? Comment je “fictionne” l’espace où je vais? Quel mode de perception organise ma préhension de l’espace? Comment je le sens? Comment je l’énonce? Comment je le nomme? S’agit-il d’une sorte d’avant-scène ou de pré-scène? Je ne sais pas. Il s’agit en tout cas d’une scène active où se met en place le mouvement d’un imaginaire corporel. Ce mouvement s’opère à partir d’une plongée dans le corps, dans ce qui est un gisement sensoriel (selon le mot du philosophe Michel Bernard)[...] Pour Mary Wigman en Allemagne dans les années 1920, le premier geste pouvait être de fermer les yeux pour mieux investir l’espace en fouillant l’obscurité de son corps. Dans les années 1960, le fondateur du butô, Hijikata Tatsumi écrivait : “Chaque soir, je mets l’échelle et je descends dans mon corps.”
Si je pense “os”, je produis un geste, j’énonce quelque chose à partir d’un corps articulaire. Je mets en jeu une scène osseuse. Si je pense “viscères”, “organes”, ou “peau”, j’énonce une présence à partir d’un corps-enveloppe, à partir d’une scène tactile.
[Il s’agit] d’observer les conditions d’émergence du geste. Comment je tiens debout, par exemple. Qu’est-ce qui me tiens debout? Comment je pèse sur le sol? Comment je résiste? Qu’est-ce qui cède? Qu’est-ce qui tient? Comment je m’oriente et à partir de quoi? Où est le regard? La qualité de présence dépend de cette organisation, de cette mise en scène interne.
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