L'instant magique
- Caroline Vogel
- 5 janv. 2006
- 2 min de lecture
Toute la magie du théâtre réside peut-être dans une fraction de seconde, dans cet instant qui préexiste à chaque décision d’action qu’entreprend le comédien sur scène, l’instant où tout est encore possible.
S’ouvre alors un espace-temps dans le continuum de la dramaturgie du spectacle dans lequel l’acteur peut s’engouffrer. C’est là que réside également tout le danger. Car si le comédien doit se servir de ce moment comme d’un rebond pour trouver en lui-même le moteur de son action à venir, il peut aussi s’y perdre.
La virtuosité du comédien consiste alors à savoir jouer de l’instant en se laissant tomber dans l’abîme redoutable du “et maintenant qu’est-ce que je fais?” de profiter au maximum de tout le potentiel que porte en lui ce questionnement et même d’aller jusqu’à emmener le spectateur avec lui pour lui communiquer le frisson du grand saut.
Le public est toujours à l’affût d’un dérapage ; c’est ce qui le tient en partie attentif. Ainsi son attention portée sur la scène est comme un fil tendu. Garder ce fil tendu sans qu’il ne se rompe est tout l’enjeu d’un spectacle.
Or, c’est dans ces moments que la tension (et l’attention) est au plus fort. C’est le suspens. L’acteur et le spectateur sont ensemble comme suspendus au dessus du vide par un élastique. L’élasticité du lien qui relie comédien(s) et spectateur(s) à un scénario prédéfini, mais aussi au temps limité de la représentation, est souvent plus grande qu'on le croit. En tous cas elle gagne à être explorée, testée jusqu'à sa limite.
L’espace de ce temps peut être infime, presque imperceptible pour le public, comme il peut s’étirer considérablement avant d’atteindre le point de rupture. Et ces instants peuvent être répétés aussi souvent que possible, insérés dans tous les interstices du texte, comme des respirations. Le spectacle n’en est que plus jubilatoire pour tout le monde.
C’est ce qui permet au spectacle d’être réinventé à chaque représentation, au public de vivre un moment unique.
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